Depuis l’après-guerre l’Amérique se joue des États européens afin d’accomplir vers l’Est ses desseins hégémoniques, bénéficiant pour ce faire de la dissociation fort commode qui sépare les décisions de leurs effets.
Ainsi, la totalité des manœuvres d’intimidation américaines des vingt ou trente dernières années, quoique décidées à Washington, n’ont été mises en œuvre (via ou non l’OTAN) qu’aux portes de la Russie sur sol européen. Voir nos récentes communications à ce sujet.
La posture est martingalesque : l’Amérique fait ce qu’elle veut, tirant parti, tantôt de la désunion systématique (et attisée) des européens entre eux, tantôt de la faiblesse d’une Europe qui pour les américains existe d’abord comme arme contre ses propres membres !
Et comme le Général De Gaulle n’est plus, c’est nous qui payons comme des cons les pots cassés.
L’Europe est la mèche lente, allumée par Washington, de mécanismes qui nous échappent complètement et dont nous subirions seuls les conséquences au jour où l’irréversible surviendrait.
En ce sens, le guerre d’Ukraine est le dernier exploit américain qui, après avoir poussé à bout un tyran (unanimement reconnu comme plus que) dangereux, nous regarde prendre en pleine poire l’un après l’autre une série surréaliste de boomerangs : explosion (purement spéculative) des coûts de toutes les matières premières aujourd’hui, donc de tous les produits manufacturés demain, rationnement inévitable à moyen terme de tous les produits de première nécessité, paupérisation de nos économies, donc d’abord des classes les moins favorisées, sans compter des arrivées massives totalement ingérables de malheureux réfugiés.
Et encore ne s’agit-il là que des effets directs et à court terme, hors donc les tensions sociales qui ne peuvent manquer de surgir dans de telles situations.
Après un mois de guerre, un minimum de bon sens chez nos dirigeants (rêvons un peu) permettrait trois constats majeurs :
1. En dépit (ou à cause) de toutes leurs tentatives de négociation, les américains ont échoué à empêcher la guerre.
2. Les sanctions imposées par les américains sont évidemment (comme toujours) sans effet sur les hostilités et encore moins sur la détermination du Kremlin.
3. L’Amérique n’a d’autre méthode (comme toujours également) que de s’entêter dans une hystérisation systématique : les exemples sont légions de situations durablement bloquées à la seule initiative de l’hégémonie US : Iran, Cuba, Palestine, Venezuela, etc … : dans tous les cas la technique américaine est la même : semer le chaos, puis tout bloquer et attendre que ça pourrisse (chez les autres).
Cette stratégie inique et stupide n’a jamais donné le moindre résultat.
La différence ici est que le chaos est en Ukraine (ce qui veut dire un conflit interminable, donc une population détruite), que le blocage est en Europe et que le pourrissement est pour nous.
Après un mois de guerre, les effets en France sont déjà considérables : qu’en sera-t-il dans six mois ou un an ?
Sans compter que la dernière idée de génie des amerloques est de nous obliger à renoncer séance tenante au gaz russe, quitte à prendre pour ce faire la maitrise de nos propres autorités, assez indolentes pour continuer à trottiner lamentablement derrière Oncle Sam.
Compte tenu que mettre dos au mur un autocrate endurci ne l’a jamais fait fléchir, si nous avions à la tête de l’Europe (ou au moins de la France) autre chose que de l’incompétence sentencieuse, nous répondrions aux américains que ce sont nos élus parlementaires, voire les citoyens, qui doivent être consultés puisqu’il ne s’agit rien moins que de décider (ou non) d’une troisième guerre mondiale sur sol européen.
Ensuite nous définirions ce que nous proposons* au lieu de nous aligner stupidement.
Or en lieu et place, Madame Von Der Leyen glousse de la même joie que lorsqu’elle fut invitée pour ses 16 ans à la féerie dansante des sirènes, cependant que l’on attend toujours que M. Macron dise autre chose que des banalités start’upesques.
L’inaction béate risque cette fois de nous coûter très très cher : le prix à payer pourrait bien être de … 100 %.
* Toute stratégie face à un conflit de nature militaire demande d’abord une réflexion de stratégie militaire, ce qui veut dire que :
Soit nous considérons que l’Ukraine n’est pas partie de nous-mêmes : dans ce cas nous laissons faire la Russie et la guerre sera courte, ce qui est à l’avantage des ukrainiens eux-mêmes.
Soit nous considérons que l’Ukraine est partie de nous-mêmes : dans ce cas nous devons admettre que (par notre faute) l’Ukraine est perdue et que nous ne pouvons la reconquérir aujourd’hui sauf à rendre la guerre interminable au préjudice toujours des Ukrainiens eux-mêmes.
Dans les deux cas de figure : (1) nous devons renforcer le front suivant à défendre qui est celui des pays membres de l’UE limitrophes de la Russie, (2) nous devons organiser la cessation des agaceries américaines en Europe dont le seul effet (sinon le but) est d’attiser les différends pour pouvoir se poser en protecteur, (3) nous devons accueillir les réfugiés ukrainiens ou russes, (4) nous ne prenons pas contre la Russie de sanctions criseuses qui n’ont d’effet que contre le peuple russe et nos propres populations et enfin (5) nous décidons de redéfinir radicalement nos relations économiques avec (toutes) les nations non démocratiques.
La voie actuellement choisie est cynique, criminelle et suicidaire puisque consistant à faire durer la guerre sur place, à courir le risque à nos portes d’une extension irréversible du conflit, et à endommager gravement nos sociétés et nos économies, mais le tout sans remettre en cause ni notre allégeance à l’Amérique, ni notre attitude inqualifiable de complaisance avec toutes les dictatures du monde.