Quand Big Pharma « arrose » nos (très) Chers Docteurs …

C’est une petite bombe qui vient de péter à la figure grimaçante des mandarins.

Le BMJ, British Medical Journal vient en effet de balancer une enquête soigneuse aux termes de laquelle en 5 ans, Big Pharma a « offert » 818 millions d’euros à des médecins influenceurs en France.

Les médecins dits « influenceurs » sont gâtés !

Le plus sympa dans cette histoire c’est que la qualité de médecin passe (enfin) ouvertement au second plan.

On connait la défausse habituelle du mandarin sur-courtisé, qui pour s’excuser (d’être le meilleur évidemment) s’emploie à mettre en avant ses hautes compétences fatalement requises (que voulez-vous y faire) par l’industrie pharmaceutique …

On connait aussi la fable assez niaise du « congrès » auquel l’immense péri-épidermaloguologiste a bien dû se résoudre à se rendre, par pur désintéressement médical et où, promis juré, la seule faveur a consisté dans le maigre repas de cantine (déclaré pour 17,35 €), au terme d’un véritable apostolat …

Ben oui, mais ça c’est fini : place très ouvertement aux influenceurs, aux « leaders d’opinion » – ou « KOL » pour « Key Opinion Leaders »  (comme dirait mon pote trader Manu).

Cette fois David Vincent les a vus : ils sont, ces influenceurs, « chefs de service ou membres de conseils d’administration de sociétés savantes, souvent respectés par leurs pairs. Alors que la visite médicale est en perte de vitesse, « ce qui marche le mieux en termes de publicité, c’est lorsque le produit est associé à une personne de confiance », juge le Dr Barbaroux, qui a consacré une partie de ses travaux à l’influence du monde pharmaceutique sur ses confrères ».

Pour comprendre comment la stratégie des industriels s’est désormais tournée essentiellement vers ces KOL, l’enseignant-chercheur au département de médecine générale de l’Université Côte d’Azur et son équipe, se sont penchés dans le détail des relations financières entre les KOL et les laboratoires. L’étude, dont les résultats sont publiés le 2 février dans le « British Medical Journal », a identifié 548 médecins « influenceurs » en France sur la base de critères stricts : des confrères membres d’associations médicales professionnelles, sociétés savantes, ayant publié des recommandations entre 2018 et 2019. Leurs liens d’intérêt ont été collectés sur la base « Transparence-Santé » … La valeur médiane des dons déclarés pour l’ensemble des KOL correspondants d’une association médicale professionnelle était de 61 000 € ».

Nous parlons donc de véritables commerciaux masqués.

Car de fait quand le représentant de (au hasard) Pfiderna ou Mozer nous parle de sa dernière piquouse, on écoute distraitement.

Mais quand (toujours au hasard) l’immense Professeur Decombe ou le légendaire Professeur Laray, nous dit la même chose sur les médias, on écoute un peu mieux.

Le coup est tordu, car le vilain (et itou du présentateur) ne dit, ni que sa visite sur ledit média y est obtenue non pas grâce à ses compétences mais bien en raison de son entregent, ni qu’il entretient des liens financiers avec le labo dont il vante le produit …

L’influenceur est donc bien un commercial masqué, mais qui “travaille” sur la “confiance” qu’il inspire …

Pire, « plus les médicaments sont chers, plus l’industrie investit : Plus les médecins sont amenés à prescrire des médicaments chers, plus les investissements de l’industrie sont élevés à leur égard. La seule exception, ce sont les KOL de médecine générale, qui ont beaucoup moins de liens d’intérêts que les autres, car ils ont, à mon sens, une culture plus élevée de l’expertise indépendante estime le Dr Barbaroux ».

On s’en doute, dans ces conditions, la qualité de soins est la cinquième roue du char :

« Il a été démontré que les transferts de valeur de l’industrie aux médecins sont associés à des ordonnances plus coûteuses, plus fréquentes et de moindre qualité »

Ce qui n’empêche pas ces VRP déguisés en toubib de pondre des recommandations qu’il faut ensuite faire abroger : « Les KOL participent parfois également à l’élaboration de recommandations. Ainsi, depuis 2011, la HAS a dû abroger plusieurs recommandations sur les dyslipidémies, l’Alzheimer, la dépression ou le diabète de type 2, après que des conflits d’intérêts ont été mis au jour. « La HAS a pris une grande claque, souligne le Dr Barbaroux. « La France ne s’offre pas le luxe d’une expertise indépendante mais on se retrouve parfois à jeter par la fenêtre de l’argent pour rembourser des médicaments qui n’ont pas fait preuve de leur efficacité ».

En résumé, il n’y a pas à dire, on nous soigne !

A lire / télécharger sur le Quotidien du Médecin, le Courrier du Soir et le BMJ, ou directement ci-dessous :