Vaste sujet : une population (relativement) homogène a-t-elle ne serait-ce qu’un minimum de mémoire, de souvenirs, bref de capacité à rapprocher les événements vécus (et ce qu’ils lui ont coûté) de ceux qu’à l’instant le destin leur annonce ?
Quelques exemples suffiront à (ne pas) résoudre la question …
Pour, ce jour, les événements anciens, la réponse est clairement négative : histoire oubliée ou insouciance nouvelle de chaque génération peu importe, toujours est-il que nous vivons depuis quinze mois et de façon sidérante une parfaite réédition des préparatifs guerriers qui allaient conduire dès 1914, de façon aussi débile qu’infantile à l’une des pires boucheries de l’Histoire.
Résumé (plus que) sommairement, le premier conflit mondial, on le sait, s’est invité dans les annales de l’horreur en superposant sur fond de multiples nationalismes exacerbés, une suite parfaitement stupide d’événements et réactions aussi incohérents que puérils : alliances militaires sottement contraignantes, course aux armements, incompétences diplomatiques et mécanismes déclencheurs quasi automatiques, aboutirent ni plus ni moins à ce que nombre d’historiens considèrent d’abord comme une totale perte de contrôle politique de la tension internationale.
En résumé trois ou quatre douzaines de crétins ont conduit à la destruction et à la mort des millions d’innocents jetés dans la guerre par d’irresponsables abrutis.
Or nous vivons aujourd’hui des événements strictement comparables.
Qu’on en juge …
Les nationalismes exacerbés ? Quel pays d’importance parmi les nations occidentales n’est-il pas à l’heure où nous mettons sous presse entièrement occupé à s’auto-glorifier bêtement, ou à flatter du matin au soir sa population en désignant l’étranger à la vindicte à dessein provoquée ? La France, recuite de son irresponsable macronisme frontiste ? La pauvre Italie sournoisement financiaro-melonisée ? L’Allemagne auto-scholzée par l’Olaf dans les bras de la sinistre et nazillone Afd ? La Pologne et les pays baltes hystériquement acharnés à la destruction idéalisée du voisin russe ? L’Angleterre première à boire la tasse dès que l’Amérique lance la moindre course aux sacs ? L’Amérique elle-même toujours prête à déstabiliser et bombarder impitoyablement toute effronterie supposée à son hégémonie planétaire ?
Les alliances militaires ? depuis que l’Amérique a réussi à germano-enterrer toute perspective d’autonomie politique et militaire européenne, la totalité des pays d’Europe est engluée dans un OTAN guerrier, défiant donc, outre ses propres fondements, tout bon sens diplomatique, toute logique autre que de terreur, pire même toute légitimité internationale, pour ne se concentrer qu’à vassaliser tous les états assez imbéciles pour s’embarquer dans n’importe quelle croisade, antirusse aujourd’hui, antichinoise demain.
La course aux armements ? Les ventes d’armes explosent, chaque pays n’ayant à l’idée que de muscler ses troupes, et leurs dirigeants toujours plus occupés à bomber leur torse prépubère qu’à se demander à quoi servira bien cette énième poussée de testostérone génériquée. Jusqu’à la France dont notre minuscule généralissime vient de lancer fièrement en deux coups de menton l’acquisition de plus de quatre cent milliards (!) de ferraille mortifère …
L’incompétence diplomatique ? Là évidemment nous touchons le pompon : timbale pour tout le monde ! Entre les USA qui mènent leur guéguerre commerciale, donc militaire, contre la Russie et la Chine, les pays occidentaux aveuglément embrigadés dans un conflit auquel ils ne comprennent strictement rien, et la pieuvre Europe aussi illégitime que vendue à l’Amérique et qui attise les flammes, la totalité des pays d’Europe ne voit même pas que nous sommes en guerre (Té, là ce seré leu moment de le dire, hé Fada …) : en bref un splendide petit jeu de cons dans lequel nos nations molles, décervelées, sous-éduquées et décadentes ne peuvent que se rétamer dans les grandes largeurs.
Et les mécanismes déclencheurs ? Mais c’est qu’ils s’empilent votre Honneur :
Au lieu de stopper les américains dans leur énième expédition sur continent d’autrui et de créer une solution, de faire naitre immédiatement une initiative européenne, nous avons laissé des individus aussi peu recommandables ou incompétents que (au hasard) Boris Johnson, Ursula Von Der Leyen, Bruno Le Maire, Jens Stoltenberg, Josep Borel, parler à notre place, pire parler sans savoir, sans rien savoir du tout, sans rien savoir d’autre que « les américains c’est les gentils et les russes c’est les méchants », avec pour conséquence une profonde rupture du dialogue avec la Russie.
Au lieu donc de respecter, et de faire respecter les accords de Minsk dont nous sommes garants, au lieu donc de maintenir la paix intérieure en Ukraine, au lieu aussi d’honorer notre parole, nous avons choisi de renier nos engagements, de laisser voire de faire pourrir une situation déjà obérée par huit ans de lâcheté sinon de calcul, bref de brader les libertés sinon les vies d’autres hommes par notre pure et endémique faiblesse, notre incapacité structurelle à exister par nous mêmes et donc pour nous-mêmes.
Au lieu de privilégier la sauvegarde des populations d’Ukraine, nous avons interdit (et continuons à interdire) à leurs dirigeants la moindre négociation avec pour seul et unique résultat la destruction d’un pays et le massacre de dizaines, voire de centaines de milliers de jeunes hommes courageux et désespérés ; avec pour conséquence la naissance d’un ressentiment durable des peuples d’Ukraine qui (contrairement à notre presse veule et niaise) ont très bien compris que nous instrumentalisons sciemment leur destruction.
Au lieu de comprendre enfin (après plus de trente ans d’errements atlantistes) que dans un monde ultra dominé par les USA et la Chine notre intérêt serait de nous entendre au moins en bonne intelligence avec notre immense voisin russe, nous continuons sans issue à trottiner servilement derrière une Amérique qui depuis 1940 (et à l’encontre même d’ailleurs du sacrifice de ses propres soldats) n’a eu de cesse de nous nuire.
Au lieu enfin de chercher aujourd’hui par tous les moyens à instaurer un cessez-le-feu, nos dirigeants ne songent qu’à ergoter comme de vieilles duègnes sur tout et n’importe quoi, afin d’auto-justifier leur fuite, contraire à tout bon sens, à toute humanité, dans l’escalade de livraisons d’armes, chaque jour plus virilistes, chaque jour plus vaines, chaque jour plus stupides, chaque jour plus cyniques ; avec pour conséquence l’approche d’un point de non-retour au delà duquel l’Ukraine détruite n’aura plus que la seule force de poser sa tête sur le billot.
En résumé nous faisons tout pour que la situation soit chaque jour davantage inextricable, au point que la moindre anicroche (de Russie, d’Ukraine, de Pologne, de CIA ou d’ailleurs) suffira à enflammer un conflit mondial dont nous serons les premières victimes, nous qui (n’en déplaise à tous ces grotesques philosophards de plateau) ne savons plus ni nous battre, ni endurer, ni résister.
Pauvres français, affalés devant leurs écrans débiles, occupés à glousser d’aise en bâfrant une bouffe immonde, voilà à quoi ils sont réduits, par les mêmes irresponsables qu’en 1914 : à attendre d’en finir de misère, de pitié, ou de rage.
André Malraux s’en retournerait dans sa tombe :
Sors d’ici Jean Moulin …