Les soins critiques : l’inertie au volant ?

29 septembre 2021 : C’est Le Figaro qui nous indique qu’en 2020 ce sont en toute simplicité (en toute épidémie aussi) 5.700 lits qui ont été supprimés. Et à la vérité le dossier lui-même de la DREES est plus instructif encore.

https://www.lefigaro.fr/actualite-france/hopital-5-700-lits-supprimes-en-2020-20210929

https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2021-09/ER1208.pdf

De fait, la DREES admet que « Ce repli poursuit une tendance observée depuis plusieurs années » et de ce fait si « la crise sanitaire n’a pas stoppé le virage ambulatoire à l’hôpital » (c’est ballot), les lits de réanimation auraient en revanche « bondi de 14,5% en un an ».

Il saute aux yeux que comparer 5.700 suppressions de lits d’hospitalisation avec 14,5% d’augmentation des lits de réanimation consiste à comparer des choses non comparables et de surcroît dans des unités de mesure différentes.

La méthode est parfaite pour être sûr de ne rien comprendre, tout en ayant l’air d’avoir fait ce qu’il fallait.

Or une lecture attentive dit tout autre chose :

Les suppressions de lits :

Pour des raisons qui tiennent à la gestion éhontément financière des services de santé publique, les hôpitaux sont saignés à blanc depuis plus de quinze ans.

Continuer en pleine épidémie à supprimer des lits alors que l’on enferme les gens pour (prétendument) éviter l’asphyxie des services que l’on restreint, veut dire que l’on se moque du citoyen.

Les soins critiques :

Nous avons déjà eu l’occasion de détailler ce que recouvrent les soins critiques, dont on sait que même hors épidémie, ils sont toujours au bord de la rupture. Pour rappel, ces lits dits de soins critiques regroupent trois types de prise en charge :

1. La surveillance continue : destinée à prendre en charge un patient ayant un risque de défaillance vitale et que l’on doit donc surveiller en permanence.

2. Les soins intensifs qui vont être appelés en cas de défaillance grave mais limitée et / ou de durée limitée

3. La véritable réanimation stricto sensu destinée à la prise en charge lourde et prolongée de défaillances multiples et graves (notamment par l’intubation).

Étant entendu que ces trois catégories ne sont pas étanches entre elles et que l’adaptation au quotidien par les services d’urgence et/ou les unités de réanimation est essentielle, comme nous l’avions évoqué (voir https://basta-covid.fr/reanimation-un-peu-de-mesure/ ).

En 2020, ces trois catégories ont variés :

– surveillance continue : 8.214 à 8.100 = – 114 soit une baisse réelle (- 1,4 %)

– soins intensifs : de 5.970 à 6.000 =  + 30 soit une quasi stagnation (+ 0,5 %)

– réanimation : de 5.414 à 6.200 = + 786, soit le « fameux » + 14,5 %

Ces chiffres sont évidemment très mauvais pour au moins deux raisons :

– les lits de surveillance continue et de soins intensifs qui ont reculé, respectivement stagné, sont précisément ceux-là qui permettent d’accueillir une considérable proportion de malades Covid, soit ceux précisément auxquels peuvent être prodigués des soins rapprochés (notamment d’oxygénation très haut débit) en vue d’éviter le passage en réanimation. En bonne logique donc le nombre de ces lits aurait dû faire un bond en avant considérable, et ce d’autant plus qu’ils réclament une infrastructure moins contraignante et un personnel moins nombreux que les lits de soins intensifs.

Les lits de soins intensifs qui n’augmentent que de 786 unités, ont été pour moitiés ouverts dans des conditions qui ne laissent aucun doute sur leur caractère provisoire. Au lieu de faire l’effort de s’équiper durablement, le système a choisi de colmater dans l’urgence, ce qui signifie une fois de plus que cette réactivité est à mettre au crédit des équipes de soins, de leur inventivité et de leur dévouement, et non pas au « quoi qu’il en coûte » dont l’hôpital attend toujours la manifestation autre que gestuelle.

« Cette augmentation résulterait pour moitié de l’augmentation des capacités d’accueil des établissements déjà équipés en 2019, mais également, pour l’autre moitié, de l’ouverture de lits de réanimation dans 63 établissements qui n’en disposaient pas du tout avant la crise. Des autorisations dérogatoires pour l’activité de réanimation ont en effet été délivrées depuis mars 2020, afin de faire face à l’épidémie de Covid-19. Encore une fois, la SAE ne permet pas de connaître l’évolution infra-annuelle des capacités, qui a été particulièrement marquée pour la réanimation en 2020. Précisons également que ne sont comptabilisés ici que les lits de réanimation installés dans le cadre d’une autorisation de soins de réanimation, tels que collectés par la SAE. Toutefois, pendant la crise sanitaire, des lits de soins intensifs et de surveillance continue (encadrés par une reconnaissance contractuelle de l’ARS), ainsi que d’autres lits d’hospitalisation conventionnelle ont été « armés » pour des soins de réanimation : ils ont été rendu opérationnels en termes de matériel (respirateurs) et de moyens en personnel soignant pour permettre la prise en charge de patients relevant d’une hospitalisation réanimatoire, sans attendre la mise en place d’une autorisation de soins de réanimation en tant que telle. » (Dossier de la DREES précité).

La Cour des Comptes ne sy trompe d’ailleurs pas qui épingle dans son rapport de juillet 2021 et l’absence de mesure de fond, et l’opacité de la communication par les autorités publiques !

« ….le « taux d’occupation des réanimations » présenté par des autorités publiques ou par des sites internet publics à partir des données de Santé publique France sur data.gouv.fr est opaque à trois égards :
– il ne s’agit pas de réanimations mais de l’ensemble des soins critiques
– il s’agit des lits occupés par des patients « covid », à l’exclusion des autres patients
– surtout, la référence est celle des capacités en soins critiques (ou en réanimation ?) d’avant crise. Le nombre de lits de réanimation effectivement autorisés et armés n’est jamais publié ».

https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2021-09/20210922-132-3-1-rapport-soins-critiques.pdf#page=58

« Durant l’entre-deux-vagues, des décisions certes importantes pour l’avenir du secteur hospitalier, ont été prises mais aucune mesure structurelle spécifique n’a été décidée quant à l’offre de soins critiques »

https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2021-09/20210922-132-3-1-rapport-soins-critiques.pdf#page=67

Ces carences du pouvoir sanitaire qui 18 mois après le début de la crise se fait encore remonter les bretelles par la Cour des Comptes sont d’autant plus injustifiables qu’en revanche le pouvoir ne manque ni d’idée, ni d’énergie, ni de moyens quand il s’agit d’enfermer, d’imposer et de contraindre.