Depuis deux semaines, l’Élysée toutes voiles dehors, nous balance des chapelets de promesses en vue de sauver les meubles lors des législatives : évidemment le Chef de l’État est prêt (promis, juré, craché) à tout régler début juillet, pour peu que l’on veuille bien lui reconduire la majorité à sa pogne qui lui a permis de faire le contraire pendant cinq ans !
N’importe quel mannequin convenablement bourré devrait en principe se tordre de rire tant ce brave M. Macron nous prend pour des truffes. Passons.
Sous le titre « Mobilisation dans les hôpitaux : La crise hospitalière est devant nous, et les mesures budgétaires ne résoudront certainement pas tout », Le Monde publie le relevé d’un chat qui montre l’ambivalence remarquable d’un exécutif, capable en quelques jours successivement de faire semblant de ne pas comprendre, de faire semblant de venir de comprendre, de dire qu’il n’y a plus d’argent, mais d’assurer que toutes les mesures seront prises, sans encore savoir lesquelles, mais bon on vote dimanche.
Extrait choisis donc :
« Le feu couve aux urgences : faute de soignants, au moins cent vingt services ont été forcés de limiter leur activité ou s’y préparent, selon un décompte fin mai de l’association SAMU-Urgences de France. Dans un entretien accordé à la presse régionale, vendredi, M. Macron a promis de « prendre des décisions d’urgence dès juillet », justifiant ce délai par la volonté de « regarder service d’urgence par service d’urgence et SAMU par SAMU, territoire par territoire où il y a des besoins ».
Dans un tchat, Frédéric Pierru, chercheur associé au Laboratoire interdisciplinaire pour la sociologie économique (LISE), docteur en sciences politiques et sociologue au CNRS et spécialiste de la sociologie de l’action publique et du champ médical a répondu aux questions des lecteurs du Monde sur la crise à l’hôpital.
« Le marasme de l’hôpital public, comme le manque de médecins généralistes en ville, trouve une grande partie son origine dans les politiques malthusiennes des années 1990 et 2000, guidées en grande partie par des raisons budgétaires : moins de médecins, c’était, pensait le ministère des finances, moins de prescripteurs et donc moins de dépenses.
Pour inverser la tendance, il faudra donc quinze à vingt ans. Il reste les « rustines », comme l’appel massif à des médecins étrangers, qui manquent à leurs pays. Pour les paramédicaux, le problème est ailleurs : la crise des vocations.
Le Ségur de la santé s’est traduit principalement par un rattrapage partiel de la perte de pouvoir d’achat liée au gel du point d’indice à compter de 2010. Toutefois, c’est nettement insuffisant pour inverser la tendance lourde de la désaffection des soignants pour l’hôpital public. ….De façon unanime, mes interlocuteurs hospitaliers, médecins ou infirmiers, ont eu l’impression d’avoir été « roulés dans la farine.
La régulation de l’accès aux urgences via le SAMU, difficilement praticable selon moi, va conduire à réorienter une partie de la demande des urgences vers une médecine de ville en situation elle aussi tendue et, de surcroît, en pleine période estivale. Il y a un risque que cette demande de soins ne trouve pas son offre… Les urgences seront forcément embolisées, et le service public ne peut refuser de soigner des gens !
C’est l’hôpital public qui a été en ligne de mire des politiques de maîtrise des dépenses publiques au cours de ce que je qualifierais la « décennie hospitalière maudite » : 2010-2020. C’est l’hôpital qui a été particulièrement sollicité pour participer à la réduction de la dette et du déficit publics post-crise financière de 2008.
La crise de la pandémie a été à la fois un révélateur et un catalyseur de la crise hospitalière. Un révélateur, car on a bien vu que le fonctionnement à flux tendu encouragé depuis quinze ans par les pouvoirs publics est incapable de faire face à une situation exceptionnelle, en plus de dégrader les conditions de travail des soignants. Il n’y a donc aucun « stock » de lits et de personnels pour faire face à ces situations exceptionnelles. Et l’on voit bien que l’été va provoquer la même situation que le Covid-19 : il va falloir « protéger » l’hôpital en essayant de réorienter la demande vers d’autres compartiments du système de soins.
Au cours de la décennie 2010, la productivité a augmenté aux alentours de 13 %, quand les effectifs n’augmentaient que de 2 %. Il y a bien eu une intensification du travail dans une logique de flux tendu. Toutes les enquêtes de terrain le montrent. Ce qui me surprend, comme sociologue, c’est que les pouvoirs publics n’ont absolument pas vu ce phénomène, ou quand ils l’ont vu, en ont minimisé la portée sur le mode : « Ces fonctionnaires, toujours en train de râler ». Souvenez-vous que la ministre Agnès Buzyn (2017-2020) opposait une fin de non-recevoir aux mobilisations hospitalières à partir de 2018.
Que va apporter cette énième mission flash de François Braun ? J’ai envie de dire : pas grand-chose qu’on ne sache déjà ! C’est, pour moi, une opération de communication politique visant à montrer, avant les élections législatives, que le président réélu a pris la mesure de la crise hospitalière. Il l’avait déjà fait en annonçant le Ségur de la santé au sortir du premier confinement. Tout pouvoir doit montrer qu’il agit, étant donné la sensibilité politique de l’enjeu hospitalier. Les cahiers de doléances des « gilets jaunes » mettaient l’hôpital de proximité ou le désert médical en tête des préoccupations.
Les inégalités d’accès aux soins sont les plus mal tolérées, devant toutes les autres formes d’inégalités (de logement, de revenus, etc.). Hélas, cette mission ne pourra que proposer des rustines pour tenter de colmater les brèches autant que possible. Et encore, je vois mal lesquelles : la médecine générale, engorgée, ne prendra pas le relais. Et les médecins aussi vont en vacances ! Difficile également de priver de congés des personnels harassés, ou de les rappeler encore plus sur leur repos. Bref, tout le monde sait que l’été va être rude. Quels sont les risques à court terme et à moyen terme de la fermeture des urgences hospitalières ? Où aller en cas de problème ? Il y a des risques sérieux, notamment en termes de perte de chance, en cas, par exemple, d’infarctus non diagnostiqué.