Philo de Comptoir

Philosophe n’est pas un métier facile, mais alors non, pas du tout, du tout. Et soyons justes, il y a plusieurs raisons à cela.

D’abord l’histoire est encombrée de monuments qui aujourd’hui encore n’hésitent pas à squatter sans vergogne les tribunes modernes. Songez qu’avec (pour ne citer qu’eux au hasard) Socrate, Platon, Saint-Augustin, Voltaire, Camus, aujourd’hui encore, c’est tous les jours open bar. Bien difficile donc de se faire une place parmi ces vieux grigous qui s’accrochent comme s’ils n’étaient pas depuis longtemps tombés dans le domaine public (les rats).

Ensuite, il faut bien reconnaître que le titre est de plus en plus couru (donc fatalement usurpé) : comme pour les épidémiologistes (qui vous le savez ont une petite place bien à part dans notre cœur d’artichaut), un peu tout le monde finit pas s’annoncer philosophe : quelques études, un ou deux feuillets pondus plus ou moins à la hâte, ajoutez l’air inspiré de qui pense à la place des autres, et l’affaire est dans le sac : toi aussi deviens philosophe !

Que le marché soit encombré par les anciens, soit, que n’importe quel gugusse ou à peu près s’intitule philosophe passe encore, mais il y a pire : une fois le titre chèrement revendiqué, encore faut-il le proclamer, et au bon endroit : tout reste à faire donc.

Et là il faut bien l’avouer, les chemins ne sont guère nombreux pour parvenir à vivre de sa pensée, c’est-à-dire pour faire payer le droit d’être lu. Ambition complexe s’il en est, car demander au quidam de vous lire passe encore, mais quant-à le faire payer pour ça, il y a un fossé redoutable : comment remplacer le rejet par l’envie de lire, donc d’abord ici de payer ? Etre mercantile ou ne pas être (lu) ? A défaut d’en vivre voilà déjà de quoi y penser chez soi ! (ca y est : vous voilà philosophe !)

La solution miracle existe toutefois et (mais vous le saviez) s’appelle média, donc au minimum presse généraliste, radio et télévision. L’accès n’y est cela dit guère aisé sauf à faire partie de la demi-douzaine d’installés, que vous reconnaitrez facilement à leur promesse de ne plus jamais y remettre les pieds (avant demain soir).

Mais pour les autres il faut ruser. Les bisous à Sophia, Laurence ou Anne-Sophie, c’est déjà fait (et rien ne dit d’ailleurs, ni que ces dames soient tant demandeuses ni que le procédé fonctionne si bien). Donc il faudra, lors d’un passage, même bref dire des trucs forts, lâcher du costaud, ou comme on disait autrefois balancer une « Jean-Edern », histoire d’être sûr d’être rappelé par l’audimat en deuxième semaine.

Le plus épatant c’est que les installés, tous jabots dehors et spinnakers déployés, sont condamnés à faire de même, et à pleine vapeur : hors de question de se faire griller la politesse par un morveux, et donc les morceaux choisis que nous sélectionnerons régulièrement (et goulûment n’en doutez pas) pourront tout autant provenir d’un dangereux anonyme que d’une figure installée, de celles donc à qui on ne la fait pas. Non mais !

Afin de ne pas infliger toutefois au lecteur la relecture à chaque reprise de l’intégralité d’une liste aussi exténuante que par essence évolutive, les découvertes les plus récentes figureront en tête de liste, ce qui aura aussi pour effet de laisser s’enfoncer insensiblement dans les profondeurs du classement jusqu’aux plus grands penseurs, lesquels du coup, stimulés par la perspective de raviver jusque chez nous leur célébrité chancelante, nous gratifieront donc avec un peu de chance d’un petit poulet inattendu.

A nos philosophes donc de nous dire ce que nous pouvons, nous autres simples mortels, éventuellement être autorisés à penser.

Ultime précision : évidemment toutes  nos citations sont rigoureusement exactes et accompagnées de la référence de consultation pour le cas où vous brûleriez d’approfondir certains systèmes de pensée ….

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Second passage, en rase-mottes bien entendu, pour Michel Onfray venu pieusement défendre les injections gouvernementales sur son ton inimitable de futur Ministre de la Philosophie Officielle :

« Il y a un discrédit de l’autorité, c’est-à-dire qu’on ne croit plus les médecins, on ne croit plus la science, on est en train de dire que la science fonctionne comme ça, avec des vérités et erreurs, etc….. Je ne crois pas, je pense …….qu’il y a des vérités scientifiques » ….. déplorant que ces personnes (les opposants au passe sanitaire / Ndlr) « ne croient plus en l’expertise. »

Devenu héraut de la soumission distinguée au dogme, le philosophe nous assène l’infaillibilité de la science officielle !

Ha, ces anti-injection ARN … que de gâtes-sauces !

Quelle pensée, quelle fulgurance, quel sens critique : on reste coi devant tant de révolte rentrée !

https://www.gala.fr/l_actu/news_de_stars/video-michel-onfray-epingle-les-antivax-chez-laurence-ferrari-ils-sont-anti-tout_475279

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Passage en souplesse dans notre revue philo à quatre sous de la jolie Cynthia Fleury, que nous n’attendions pas si vite, mais il est vrai qu’il n’est jamais trop tôt pour bien faire.

Teint frais, nez aquilin, pommettes idéalement profilées, chevelure très manifestement tendue au point probable de rupture capillaire selon les dernières modélisations de l’Institut Pasteur, Cynthia Fleury fend les plateaux TV, comme un drakkar deux barreurs sans rameur le rayon fond de teint chez Sephora.

A peine débarquée, voici que la belle nous décoche un « quand nous nous faisons vacciner, notre corps devient le lieu d’une dynamique collective”.

Outre que cette sagace introspection lui eut bien valu un « marquis des antipodes » à la cour de Louis le XVIème, il faut reconnaitre à la dame l’habileté du propos qui, flattant de la thérapie ARN, autant les bateleurs gouvernementaux que les cobayes hésitants, parvient par surcroît à ne rien vouloir dire du tout, mais en le disant tout de même.

On s’incline.

https://www.franceinter.fr/emissions/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-du-week-end-du-dimanche-18-juillet-2021

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Entrée en fanfare dans notre symposium philo de Raphaël Glucksmann qui nous est, ne le cachons pas, plutôt sympathique.
Mal rasé comme son père était mal coiffé, iconoclaste affiché et indépendant d’esprit, que pouvions-nous attendre de ce brave homme ?    Une description légèrement vitriolée tout de même des politiques de santé publique depuis dix huit mois ?  Non ?  La révolte d’un esprit sain contre le sort réservé à des sommités comme le professeur Raoult ou le professeur Perrone ?  Non plus ? La mise en évidence que Big Pharma a siphonné à son seul profit le système de santé publique avec la complicité stupide de dirigeants qui n’avaient probablement pas même l’excuse de la corruption ? Toujours pas ?  Mais donnez-nous quelque chose bon sang ! J’y suis : un couplet sur la liberté ? Non plus ?

Ah mais voilà, suis-je distrait, c’est tombé pendant qu’on causait ! L’enfant de la nouvelle philo socialisto-parisienne a parlé :  « Ne pas me faire vacciner condamne potentiellement toute la nation au confinement à moyen terme » C’est tout ? Une ode au pouvoir sanitaire ? Rien d’autre ? Evidemment ça va pas chercher bien loin. Bon,  écoutez, Monsieur, pour le poste de philosophe je sais pas. Vous savez, nous avons beaucoup de demandes ? On vous écrira ; Mais je peux peut-être vous aider. Voyez chez Pasteur ; Non pas les Yaourts, enfin pas que. Si, Si ils font aussi des études, si, si une bonne maison. Ils auront sûrement quelque chose pour vous. Allez, à plus tard. Non laissez, je fermerai en partant.

https://www.huffingtonpost.fr/entry/lobligation-vaccinale-vous-interroge-la-philosophie-nous-aide-a-y-voir-plus-clair_fr_60ed593ae4b00ef8761564ce

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Nouvel entrant dans notre aventure philosophique bistrotière : Raphaël Enthoven, le penseur à la chevrotine. Visage aimable et pensée brutale : là où Michel Onfray enveloppe de sa voix suave, là où BHL gratifie de ses réflexions d’outre Ile de Pâques, Raphaël Enthoven, lui, tire au gros sel et n’y va pas par quatre chemin.

Ainsi de son diagnostic de ceux qui hésitent devant le « vaccin » ARN : « Les antivax sont incurables, sinon ils auraient été guéris depuis longtemps. (…) L’antivaccinisme est une pathologie dont on ne guérit que par une rémission miraculeuse, mais qui tant qu’on en souffre est aussi hermétique à la raison qu’à la réalité ».

Confondre les hésitants à la piquouse ARN avec des antivaxx, les déclarer pathologiquement incurables et stupides, il n’y a pas à dire ça c’est de la philo ! Evidemment on tire avec les moyens qu’on a. La chevrotine c’est pour le chasseur du dimanche : ça tire un peu partout, surtout à côté, mais les pneus sont saufs.

https://www.gala.fr/l_actu/news_de_stars/les-antivax-sont-incurables-raphael-enthoven-remonte-il-ne-mache-pas-ses-mots_472077

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Second dans notre palmarès provisoire, mais premier dans les recettes littéraires avant que Michel Onfray ne vienne lui tirer les cartes, place à Bernard-Henri Lévy, géant de la conscience multi-etno-pataphysico-saint-honoresque, tellement célèbre de lui-même que ses initiales suffisent à l’annoncer : VGE, c’est à vous quand vous voulez.

Philosophe de la première heure, nouveau philosophe déjà en 1970, nouveau philosophe encore, nouveau philosophe toujours, ce dandyblotin légèrement poussiéreux tout de même, a réussi à force d’être vieux avant d’être jeune, à faire jeune sans être vieux. La chemise toujours délicatement ouverte sur le torse de l’intellectuel ne trahit pas son porteur : impossible de savoir s’il débarque de Marrakech ou sort de chez Grasset.

Par chance nous pouvons compter sur lui pour tout nous dire : son confinement intérieur l’aura auréolé au point que tout simplement de retour parmi les mortels, le voici donc qui nous déclare :

« Mon confinement, je l’ai passé sur les routes du monde »

Sacré Bernard ! pendant qu’on se repassait en boucle les Rois Maudits, lui seul avait trouvé la martingale : l’auto-confinement circulaire en Falcon 900. Evidemment même ce Robert d’Artois de la Samaritaine a dû rentrer. Toujours cette chienne de Mahaut …

https://www.lefigaro.fr/cinema/bernard-henri-levy-mon-confinement-je-l-ai-passe-sur-les-routes-du-monde-20210622

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Premier venu que nous accueillons avec joie dans ce modeste purgatoire, Michel Onfray, l’homme « aux mille livres » (ce qui n’est pas encore tout à fait le cas, mais en prenant un peu d’avance nous sommes ainsi à peu près certains de rester dans le coup quelques mois).

Armé d’une mâchoire surpuissante, surmontée d’un nez acéré qu’encadrent de fines et rectangulaires lunettes deuxième paire pour un euro, l’homme avance massivement et assène ses vérités sans détour d’une voix singulièrement veloutée, signe d’une circulation sonore intracrânienne de haut vol.

Parmi ses dernières pensées estivales nous avons été très touchés par ses déclarations au Figaro le 23 juillet et nous en citerons donc le passage sans plus vous faire davantage saliver :

« Je n’essentialise pas les vacances. Les vacances de ma mère, qui est femme de ménage retraitée, de mon petit frère, qui va bientôt avoir 60 ans et qui travaille à l’entretien mécanique du matériel dans une carrière, de ma belle-sœur, qui est cantinière, ne sont évidemment pas les mêmes, ni semblables aux miennes »

Nous voilà rassurés sur l’essentialisation des vacances qui (comment vous le cacher plus longtemps) était depuis un bon petit moment en train de virer au casse-tête !

https://www.lefigaro.fr/vox/societe/le-petit-guide-philosophique-pour-reussir-son-ete-par-michel-onfray-20210723?utm_source=CRM&utm_medium=email&utm_campaign=[20210725_NL_ACTUALITES]&een=e920a3dea61d32bc54061bfaae61aab8&seen=6&m_i=bj_btuXtxO_lcJUIi3XbEC7htYFd8_2B74s2huWp9NggmYp%2BtIjHlHmRfNb2_6dfVED6k_ZAV32JOi3ubFYxTp3HG644WeJvbB