Jean Castex au gibet de l’Hôpital

On se souvient des transports émus (et pour une fois ferroviaires) du bientôt (et gageons-le fort peu) regretté Jean Castex, ci-devant premier ministre de SAS ARN le Prince régné, lors de son passage à Strasbourg en décembre dernier, via la case 10 du calendrier alsacien de l’Aven.

Ce jour-là, et selon les formules convenues, ce jour-là donc le vilain* dauphin était « au chevet » de l’hôpital en faveur duquel il a « sorti le carnet de chèques ».

Et à cette occasion, Jean, donc dit de la Magnum Farma, outre le rappel des 190 millions d’euros déjà « annoncés », se fendit d’une rallonge de 20 millions afin de « donner de l’air » (c’est vrai que quand on n’en manque pas soi-même …), le tout s’inscrivant dans une gestuelle de « plus de 2,061 milliards d’euros de dotations, pour des projets qui s’étalent parfois sur dix ans, dans les hôpitaux et des Ehpads », et à laquelle s’ajoute une « enveloppe de 56,8 millions d’euros … promise au groupement hospitalier de Mulhouse » et une autre pour l’hôpital de Colmar de 11 millions.

Le total des dotations de l’État « s’élevant en Alsace, selon le Premier ministre, à 350 millions d’euros », adddition que nous avons par bonté d’âme renoncé à accabler de nos sarcasmes.

Evidemment toutes ces indulgences dispensées à l’encensoir gascon, sont au niveau des promesses d’icelui. Comprenez que si l’État piloté par les plénipotentiaires de Big Pharma se fend de quelques millions, ce n’est pas sans arrière pensée.

Or avec Jean Castex, dont le palmarès en matière d’étouffement hospitalier a fait rêver plus d’un trader au Nasdaq, les arrières pensées ne sont jamais mincelettes.

C’est ainsi que l’on apprend que le 18 mars 2022 « le directeur des Hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS) et la directrice de l’agence régionale de santé (ARS) Grand Est ont signé un accord qui doit permettre à l’établissement hospitalier de retrouver une autonomie financière d’ici à 2026 ».

Or ce contrat que « Rue89 Strasbourg » s’est procuré, et dont Mediapart communique la substance, dévoile le contenu effarant des contraintes imposées à l’Hôpital alsacien. (Voir le texte complet en fin de billet).

«  Malgré les manifestations et appels à l’aide des soignants, la gestion de l’hôpital public garde la même philosophie : plus d’activité avec autant de moyens, voire moins …. Mais l’accord avec l’ARS ne constitue en rien un chèque en blanc. Les HUS évolueront désormais sous la pression de leur tutelle. L’accompagnement financier de l’établissement à hauteur de 36,4 millions d’euros par an sera délégué en fonction de l’atteinte des objectifs de l’année précédente » !

« Pour parvenir à réaliser des économies tout en atteignant une croissance de l’activité sans embauche de soignants supplémentaires, l’ARS demande aux HUS d’optimiser leur fonctionnement à plusieurs niveaux », ce qui aboutira à des baisses de lits tout sauf négligeables, soit au minimum : en hépato-gastro-entérologie (19 lits), en médecine interne (13 lits) et même en soins continu (env. 12 lits) et en réanimation ! (8 lits).

A cela s’ajoute une kyrielle de mesures de serrage de boulons : les lits déjà fermés (« qui le resteront »), les risques de pertes d’emploi clairement identifiés, ou encore la sous-traitance renforcée (dont on sait qu’elle s’accompagne systématiquement en matière de service public d’une baisse de qualité et d’un transfert de profit vers le privé).

En bref, la méthode de gestion de l’hôpital se poursuit à la sauce Big PharMacron : resserrer les boulons « quoi qu’il en coûte » … y compris en faisant de la qualité de l’offre de soin la cinquième roue du char.

Ce que résume la CGT des HUS : « je ne vois pas comment augmenter l’activité sans embauche de soignants et même avec des pertes de postes parmi les personnels non soignants. On demande encore aux agents de faire des efforts inhumains pour redresser la trajectoire financière des HUS dont l’État seul est responsable. »

* Etymologie : le terme vilain dérive du bas latin villicus et désignait l’homme semi-libre attaché à une « villa », soit une grande exploitation, comme (par exemple) à l’époque la bien connue Magnum Farma.