Le 30 juin 2022, le Ministre des Calculs Sanitaires (autrefois dit « de la Santé ») se faisait connaître de la populace au Manu en mettant au point, afin de décongestionner les services d’urgence, une méthode simple : empêcher les malades d’y entrer.
Ce protocole très start’up, digne d’un petit génie en bras de chemise, consistait on s’en souvient à fermer les portes des urgences, à renvoyer les malades vers le 15, et à donner consigne audit 15 de les refourguer aux généralistes, eux-mêmes aisément reconnaissables à leur devise « nous ne prenons plus de nouveaux clients ».
Et on le sait tout s’est finalement très bien passé, l’été 2022 s’étant déroulé dans une moiteur médicale admirable.
C’était compter sans la tenue stakhanoviste de l’agenda du ministère qui avait bien noté au 30 juin 2023 « été en approche /anniversaire de la fermeture des urgences / penser à dire un truc / même n’importe quoi / le faire aussi »
Aussitôt dit, aussitôt fait : s’avisant que comme chaque année il y aurait un été, le ministère s’est fendu de ses conseils estivaux, dont la version 2023 a été baptisée « Pourquoi faut-il appeler le 15 plutôt que d’aller directement aux urgences ? ».
Rappel subliminal que les urgences sont fermées (vous le saviez) et que donc le conseil de ne pas y mettre les pieds n’est plus qu’une banale suggestion d’itinéraire.
Pour les étourdis, le ministère rappelle que « Le ministère de la santé remplace progressivement les services des Urgences hospitalières en services d’accès aux soins (SAS) dont l’accès n’est plus possible sans avoir été orienté par le 15 » (ou pris en charge par les pompiers en cas d’accident par exemple »
Colossale finesse qui transforme l’entrouverture de l’an dernier en fermeture effective sous couvert de la nouvelle (dé)raison sociale « SAS – Service d’accès aux soins » qui, comme son nom ne l’indique pas, interdit cet accès.
A bien le reluquer, cet accès, qui n’en est donc pas un, fait furieusement penser au paiement « sans contact » (qui demande un léger contact) ou plus directement au fauteuil de l’Élysée à mémoire de forme qui, à force d’y installer toutes les formes de postérieur, n’a plus la moindre mémoire du Général.
Pour ceux qui douteraient du bien fondé de la fermeture / liquidation des urgences, la presse manufléchie s’empresse de préciser que « Les services des Urgences tirent la sonnette d’alarme depuis plusieurs mois : manque de personnel, manque de moyens aussi (lits) »
Les contribuables-clients (ex-patients) apprécieront au passage de savoir que l’Hôpital public, que la macronie financière fout en l’air à plaisir depuis 20 ans, viendrait prétendument tout juste de se sentir une légère contracture au niveau du pognon.
Pognon de dingue donc mais aussi culot stratosphérique, si l’on songe que le ministre Braun était il y a 18 mois encore lui-même urgentiste (dans les transmissions sans doute).
Cela dit le même Braun se démonte finalement beaucoup moins qu’il ne démonte nos urgences et sur la lancée nous offre donc quelques suggestions de saison.
Non seulement le 15 est la seule issue, mais, le hasard fait bien les choses puisqu’il s’agit aussi d’un « bon réflexe … lorsqu’on n’a pas trouvé de solution pour un problème de santé qui nécessite rapidement un avis médical »
Assimiler une urgence de santé à « un problème de santé qui nécessite rapidement un avis médical » : voilà qui nous confirme si besoin était que Braun ne devait pas se trouver très souvent à l’accueil du service d’urgence auquel il émargeait …
Au reste pour qui douterait que le 15 soit d’une quelconque utilité, le même Braun toujours (vous allez rire) nous en brosse les atours, façon marketplace La Redoute :
« Le centre de régulation du 15 est capable de «fournir une réponse pour les soins» nécessaires dans les 48 heures, a assuré François Braun. «On peut vous proposer un rendez-vous» avec un médecin, une téléconsultation, voire «envoyer une ordonnance directement depuis la plateforme du service d’accès aux soins», souligne le ministère de la Santé ».
La traduction comprimée de ce chapelet de sottises laisse pantois : ce ne sont plus les services d’urgence qui sont supprimés mais bien les urgences elles-mêmes. Enfin, façon de parler, car des urgences il en reste au moins une :
Virer fissa cette équipe de gougnafiers.