Tout Macron vient à Kinsey attendre

L’aventure des cabinets de conseils dans la République est d’abord celle du délabrement de l’État par la cupidité infinie de mécanismes d’initiés.

Essai concis de cette fresque piteuse.

Au départ de notre histoire républicaine moderne fut l’État, l’État social et solidaire, conçu dans les méandres progressifs du XIX ème siècle, non plus comme la projection hautaine et administrative d’un roi (quand ce ne fut d’un despote), mais bien comme la résultante conjuguée des aspirations populaires les plus larges.

L’État moderne était né, issu du peuple entier et destiné à lui bénéficier dans le cadre et selon les règles fixées ensemble : à l’opposé absolu de la formule du monarque dédaigneux du même nom (« L’État c’est moi »), qui dirait État républicain dirait dorénavant aussi démocratie populaire et solidarité, donc Fraternité, donc Égalité, donc  …. Liberté !

La naissance de cette maison commune évidemment ne ravit nullement ceux qui avaient pris pour habitude de faire leur gras sur le dos de la population et, en squattant les instances de pouvoir, de diriger le Pays à leur guise et dans leur seul intérêt. Ils entreprirent donc d’en saper d’emblée les fondements.

L’histoire est complexe, mais quoique touffue, finalement fort claire de la longue machinerie aussitôt mise en route par les puissances de l’argent en vue de reprendre en sous-main la maitrise des opérations, et de finalement voler la république à ceux qui l’avaient si chèrement construite.

Des maitres de forge aux structures patronales, des soutiens sans honte aux pires régimes fascistes à l’internationale moderne du profit spéculatif, le schéma est resté inchangé qui consiste à construire une oligarchie de pouvoir, il y a peu encore nationale et opaque, aujourd’hui mondiale et désinhibée, dont l’objectif tout entier ne consiste qu’à générer du profit, encore du profit, toujours du profit, à n’importe quel prix (quoiqu’il en coûte diraient certains) sur le dos, aux frais exclusifs et au détriment permanent des biens, de la personne, donc des droits, donc des libertés, de qui se croit encore en république.

La destruction de la république fut pour ce faire d’abord celle de ses mouvements d’opinion, donc de sa capacité d’action politique.

Dans ce sens le spectacle de la campagne présidentielle qu’il nous faut, trois interminables semaines encore, subir est un défi à toute forme d’intelligence.

Comment pourrait-on décrire, à l’attention d’une civilisation autre, le niveau zéro du débat politique ? Difficile sans singer Agatha Christie : Douze petits incapables, le premier reconnu idiot de naissance mourut, puis le second de peu le suivit, frappé de congestion cognitive, puis le troisième d’ennui, le quatrième sans la moindre ni plus petite idée, et tous se vidèrent de leur nullité, jusqu’aux deux derniers, féroces de rien, l’un et l’autre alternativement agitant des peurs obscènes puis ricanant de l’autre, telle une paire de gnomes hideux et dérisoires, et dont il ne resta que l’un, stupide vainqueur aussitôt mort-né.

Or la nullité absolue du débat politique est entièrement issue de l’incapacité générale à prononcer ce mot qui en est devenu un gros : État.

Lorsqu’en 2000 le malheureux Lionel Jospin, paix à ses cendres électorales, s’entendit (médusé de lui-même) articuler cet oxymore « L’État ne peut pas tout », les maitres de forges surent que la revanche sur le peuple était gagnée.

L’État ne peut pas tout !?  Mais comment peut-on dire aussi terriblement que l’État ne peut rien, ne veut rien, alors qu’à l’exact inverse, il peut tout, il doit tout, il doit tout vouloir, il doit tout pouvoir !

Evidemment, et à sa décharge, M. Jospin est ce jour là tombé dans le panneau de la dualité sournoise, soigneusement savonnée par les idéologues du (grand) patronat, aidés il est vrai par une classe politique d’une indigence crasse : on serait dorénavant soit moderne, libéral, entrepreneur, donc partisan d’une fiscalité toujours plus amenuisée, donc aussi promoteur d’un État famélique renonçant (sinon traitre) à toutes ses missions, soit un défenseur de l’État social donc dispendieux, donc non plus social mais providence, donc socialisant, donc favorisant la descente aux enfers vers le déséquilibre définitif des comptes publics.

On sait ce qu’il est advenu de ce puéril chantage à la respectabilité politique si l’on songe que jamais les comptes  publics (et avec eux évidemment la substance de l’État !) n’ont été aussi malmenés que sous les ordres financiarisés des plus indécemment américanisés de nos récents dirigeants.

Il eut fallut hier (et aujourd’hui plus encore) une pensée nouvelle, tout du moins renouvelée ; qui eut fait renaitre (ou refonder), et un sens de l’État, et donc une social-démocratie nouvelle, en lieu et place de son ersatz fantasmé devenu plus que mal en point à force de singer son garde chiourme.

En imitant le grand patronat, en le servant, en lui faisant révérence, la gauche s’y est fondue, tellement vite que les forts en thème de l’époque (MM. Rocard ou Jospin pour ne citer qu’eux) s’y sont cassé les dents. Ils nous y ont même d’ailleurs brisé durablement les ailes, tellement bien que quinze ans plus tard, c’est M. Hollande lui-même, auto-proclamé ennemi de la finance qui fit (mais par quelle déraison ?) entrer dans l’État, dans Notre État, le Cheval de Troie des maitres de forges, qui en véritable Bernard L’Hermite y a fait le nid de l’argent-Roi.

Pire, par le biais de la mondialisation, de la numérisation, et de la verroterie toutes trois américaines (les esprits simples ne résistent pas à ce qui brille), le vil travail de sape des maitres locaux de la finance s’est doublé au plan mondial de structures d’oppression qui dictent aux états leur conduite : parce que les maitres financiers qui dirigent notre pays ont tout bradé de notre souveraineté (militaire, économique, énergétique, financière, numérique, … ) nous ne sommes plus rien, tout juste bons à espérer que les marchés mondiaux continuent à arroser le pays de leurs deniers et à soupirer que l‘Amérique ne nous regarde pas trop de travers. S’inscrivent dans ce tourbillon la totalité de nos malheurs déjà écrits, dans la tonalité même de la consternante pfizerisation des esprits et de nos moulinets de majorettes antirusses.

Voilà où nous ont menés des dizaines d’années de renoncements, impeccablement couronnés par cinq ans de pouvoir absolu. Le tableau est si achevé d’ailleurs que l’on se demande bien pourquoi M. Macron se représente. Sans doute reste-t-il quelques parcelles de libertés à massacrer.

La raclée que nous prenons est telle, que l’affaire Mc Kinsey, si consternante soit-elle, peut être ramenée au niveau d’un épiphénomène :

M. Macron a réussi le tour de force de se faire élire sur des promesses angéliquement philosophardes ?

Le même a ensuite eu la chance inouïe de rafler une majorité aussi large qu’ignare, aussi penaude que manœuvrable ?

M. Macron a donc fait tout ce qu’il a voulu pendant cinq ans sans être dérangé ?

M. Macron a tout pouvoir sur les commandes passées par la nation ?

M. Macron déteste tous autant ces gêneurs que sont l’administration, la justice ou le parlement ?

M. Macron est fasciné par l’Amérique, les tablettes, les bras de chemise et l’anglais des réunions Tupperware du Ouesconsigne ?

M. Macron adore les cabinets de conseils qui permettent de réunir tous ces avantages et celui de s’éviter les objections de ceux qui ne pensent pas comme lui ?

M. Macron a donc (et ses services itou) usé et abusé du recours à ces équipes de zozos qui sont assez bobettes pour, sans contrarier le Prince, émettre en rafale des lapalissades d’anthologie pour un pognon de dingue ?

Sans blague …

Ces faits sont archiconnus et (en particulier l’incidence considérable de Mc Kinsey sur la politique de santé), ont été soulevés il y a plus d’un an, mais jamais n’ont été sérieusement dénoncés par une presse aux ordres, qui ne va pas tout de même pas mordre la main du patron.

Ces faits très clairement identifiés n’ont jamais non plus été stigmatisés par une opposition d’opérette (qui comme d’hab. attend les trois derniers mois pour faire semblant d’avoir un programme), pas plus que la dite shadow opposition ne s’est manifestée quand il s’est agi de nous priver des traitements ou de nous imposer en maintes étapes ce qui n’est rien d’autre que la vaccination obligatoire.

Il faudra du temps, beaucoup de temps, pour reprendre le contrôle de cette catastrophe.