Existe-t-il une (bonne) raison de voter Jean-Luc MÉLENCHON ?

A ceux de nos amis, qui professent leur espoir, leur estime (à défaut, et respectivement, leur résignation) en faveur de Mme Pécresse, de Mme Le Pen, de M. Zemmour ou de M. Macron, nous demandons quelques minutes d’attention.

L’élection présidentielle est devenue avec le temps, nous le savons bien, d’une perversité masochiste rare, puisque consistant à faire désigner, par qui n’en veut à aucun prix, un élu présomptueusement providentiel et à le doter de pouvoirs tellement exorbitants que jamais le moindre frein ne viendra les entraver.

En gros, il faut être cinglé.

Le choix en faveur de convictions, d’un tropisme, voire d’une idéologie s’est donc graduellement transformé en concours de dégouts multiples : à la notable exception de 2007 (où le choix était qu’on le veuille ou non assez clair entre une gauche mollasse et une droite allumée), la question de l’exclusion du plus honni non seulement parasite les choix possibles, mais pire, oblitère les réelles priorités de fond.

Et donc notre offre de réflexion (par essence inverse) s’articule ce jour autour des priorités du moment, donc non pas du monde tel qu’il devrait être mais du monde tel qu’il est.

Ensuite, et à l’exclusion de systèmes dogmatiques obtus, ensuite seulement, vient le choix de chacun.

Ces priorités, quelles sont-elles à nos yeux ?

Par ordre d’importance décroissante nous désignerons :

1. Le risque de conflit armé européen (sinon mondial)

La perspective terrifiante d’une 3ème guerre mondiale sur notre sol (donc du risque total pour nos vies, nos proches, nos libertés, nos biens) hier sujet ressassé pour films de série B, est devenue en 6 semaines une réalité terriblement palpable.

Par la faute, et d’un occident tellement américanisé qu’il en a perdu toute autonomie de pensée souveraine, et de nos dirigeants à la faiblesse conceptuelle affligeante, les agaceries et agressions, petites et grandes, organisées à l’est de l’Europe par les USA, se sont déroulées depuis vingt ans (sinon trente) dans l’indifférence générale.

Avec la plus totale inconscience, nous avons laissé le plus stupidement du monde les faucons américains provoquer sans relâche, ce même ogre russe contre lequel aujourd’hui aucun de nos dirigeants n’a de mot trop dur, ni de sanction trop raide.

Or de la même façon que nous n’avons rien vu (ou voulu voir) de ce que l’Amérique manigançait à nos portes, nous laissons aujourd’hui soigneusement perdurer notre cécité atlantiste.

Car au moment même où nous prétendons découvrir (tu parles …) que M. Poutine est un « boucher », nous renforçons chaque jour une politique de sanctions d’une rare stupidité dont le seul et unique effet (hors la destruction définitive de l’Ukraine dûment ainsi réalisée selon le vœu moscovite) sera donc d’interdire toute négociation avec un équarrisseur tellement gavé de testostérone qu’il préférera n’importe quelle extension du conflit à la moindre amorce de reddition.

La politique atlantiste suiviste pratiquée (hors de surcroît tout débat parlementaire ou populaire bien entendu) par M. Macron et Mme Von de Leyen aboutit donc exclusivement à mettre le « boucher » dos au mur. Vous parlez d’une réussite diplomatique : on se demande bien comment il est possible (même en campagne électorale) d’être aussi bête.

Et comme, à part pour les écervelés donc qui nous dirigent, il est formidablement évident, et que M. Biden n’est que le porte-voix de l’hégémonie US et des faucons américains, et que M. Poutine cherche à établir un conflit majeur avec l’occident, il saute aux yeux que M. Poutine rêve de transférer le conflit en Europe de l’ouest, ce que M. Biden songe de même à lui offrir.

Il ne faut à la Russie que disposer d’assez de temps pour laisser suffisamment s’envenimer (en américain on dit pourrir) la situation.

Or, fidèle à la devise qui veut que la Russie est le seul pays au monde qui puisse gagner une guerre en reculant, du temps, M. Poutine n’en manque nullement puisque nos sanctions ne le gênent que de façon relative. C’est au motif qu’hormis les pusillanimes et décervelés européens atlantistes, le monde entier continue à commercer avec lui : l‘Afrique, la Chine, les pays arabes, l’Inde, tous n’ont rien ou si peu changé de leurs habitudes. Et jusqu’à Israël qui inaugure un véritable jeu de faux-cul en poussant la duplicité à simultanément, et continuer son commerce avec la Russie, et entretenir ses considérables réseaux diasporesques américains, dont on sait qu’ils ne sont pas pour rien dans la politique étrangère américaine.

Le risque terrible de conflit est donc total tant et aussi longtemps que nous suivrons aveuglément le faucon américain dans cette voie suicidaire (voir nos billets antérieurs sur le sujet).

Face à l’évidence de ce conflit, quelle est l’attitude des cinq candidats principaux ?

M. Macron et Mme Pécresse sont des atlantistes obtus jusqu’à notre suicide : M. Macron le démontre tous les jours cependant que Mme Pécresse et son parti, à Paris et à Bruxelles sont totalement sur la même ligne mortifère.

Mme Le Pen et M. Zemmour n’ont brillé ni dans le soutien à la rhétorique bêta déployée à ce jour, ni par leur capacité à présenter une autre perspective. Il faut dire que l’un et l’autre se sont engoncés dans un vague non-soutien à M. Poutine, qui s’explique d’autant plus aisément que le souverainisme débridé et haineux professé par le boucher moscovite est exactement celui qu’ils préconisent d’appliquer en France. Impossible donc d’appeler au dialogue avec d’autres peuples, quand des peuples autres on ne rêve que l’exclusion.

Reste M. Mélenchon qui est le seul à préconiser de changer de méthode pour privilégier un immédiat non-alignement, donc une autonomie de décision qui ne soit du coup ni américaine, ni russe et encore moins supra-européenne. A M. Mélenchon nous pouvons faire sur ce point  le crédit de la sincérité et de la conviction puisque cette volonté de non-alignement est ancienne. Ce qu’il ferait en pratique serait (comme pour tout un chacun) à observer. Mais voilà une proposition qui est seule de son espèce, intellectuellement construite, et souverainement française.

Seule la perspective d’une sortie de l’épreuve de force que nous impose cyniquement l’Amérique peut éviter la guerre.

2. Le risque de guerre civile

La plupart des candidats à l’élection présidentielle ont pris l’habitude de s’en tenir à un programme d’une indigence crasse.

Point de réflexion, de débat, d’initiative, voire pourquoi pas de rêve d’une société plus chaleureuse, plus fraternelle. Surtout pas ! La méthode unique (et qui finit à elle seule par tenir lieu d’objectif) consiste à empiler d’un air entendu les phrases creuses en tentant de fâcher le moins de monde possible.

Pour ratisser large, ratissons donc à la pelle. Et comme il faut bien se donner, surtout sur talonnettes, un petit air déterminé, allons-y d’une bonne haine recuite, celle du racisme soft qui consiste à haïr une population sous les atours d’une autre.

Le racisme est une pratique politique fort commode : toujours à portée de main, issue de la bêtise humaine qui lui accorde donc une réserve de marche infinie, et portant spontanément désignation des coupables de tous les maux. Dans la droite ligne de l’antisémitisme de bon ton d’avant guerre, place à la haine des musulmans bronzés (ou pas).

A la notable exception de Jacques Chirac, la plupart des candidats de droite ou d’extrême droite se sont empressés de pactiser avec les idées nauséabondes véhiculées par le Front National, au point de les banaliser et, pire, de camoufler de (très) lourds handicaps de solidarités par de prétendues difficultés migratoires.

A force de mépris des élites parisiennes, La France est devenue un tissu totalement déstructuré, constellé de plus de 400 zones urbaines délabrées et abandonnées : or ce sont, sous le prétexte de l’immigration, ces victimes de notre quasi – apartheid intérieur que nos (extrême-)droitistes boutefeu et irresponsables désignent à la vindicte populaire.

Peut-on plus clairement appeler à la guerre civile qu’en détruisant dans une catégorie bien définie de la population tout espoir d’un avenir quelconque ?

De notre quintette, seul M. Mélenchon, en dépit de maladresses récurrentes, appelle au dialogue. Tous les autres sont totalement irresponsables.

3. La sauvegarde de nos droits et libertés

La maxime est éprouvée : gouverner c’est choisir. Mais qui dit choisir dit peser, mettre en balance donc les intérêts publics et privés (et parfois les intérêts privés entre eux).

Or ce besoin permanent de mesure demande de la conscience, de la justesse, de l’intégrité dans l’analyse afin que jamais un droit fondamental ne soit inutilement ou démesurément écorné.

M. Macron a fait la preuve en cinq ans de son parfait mépris pour les droits fondamentaux. Point n’est besoin d’y revenir tant nos billets le démontrent jusqu’à écœurement.

Or ni Mme Pécresse, ni Mme Le Pen, ni M. Zemmour ne proposent, hors cosmétique éventuelle, en quoi que ce soit d’abroger les cinq ans de dictature réglementaire, policière et numérique que vient de nous imposer M. Macron. Le savent-ils seulement, eux qui tous trois on construit (à des degrés divers certes) leur campagne sur la détestation de l’autre ?

Là également il ne reste que M. Mélenchon pour proposer non pas une solution miracle mais à tout le moins, à l’heure des débats le respect probable des règles démocratiques et des droits de la personne humaine.

Nous y croyons raisonnablement, raisonnablement seulement, mais nous y croyons car l’homme n’est ni trader cynique, ni avocat défroqué, ni politicard sur le retour et encore moins gratte-papier haineux.

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Pour ces trois raisons (et ces trois là seulement qui sont essentielles) nous voterons Jean-Luc Mélenchon.

Les objections ? Elles ne pèsent à peu près rien : son caractère dirigiste ? Probable. Plus dirigiste que d’autres ? Avec ce que nous venons de vivre, rien ne permet de l’affirmer. Ses convictions gauchistes ? Probables également. Ses sympathies méditerranéennes ? Évidentes. Mais incompréhensibles pour qui n’a pas vécu le bleu de la mer. D’autres encore ? sans aucun doute.

Mais à nos yeux l’important, le plus important est d’éviter la guerre et de recouvrer nos droits légitimes.

Le reste … n’est que verbiage, sujets d’ordre secondaire (nous n’avons pas dit négligeable), et disputes infécondes.

Notre seule requête donc : avant de voter, réfléchissez à ce qui est VRAIMENT important pour demain, si nous voulons que demain existe.