Médecins libéraux en grève : le bal des faux-culs ?

La médecine française, c’est comme la gastronomie du même tonneau : les imposteurs se sont installés aux commandes mais l’album photo-souvenir permet de fourguer d’innommables salades tout en promettant des produits qui depuis belle lurette ne sont plus en rayon.

En lieu et place de ce qu’était LA table française, la MacDo-finance nous empeste de ses infects fast-food, dans le même temps où l’agro-industrie, prenant le pouvoir en haut lieu a fait dégringoler le métier de cuisinier vers des réchauffeurs de bouffe toute prête qu’il ne reste plus qu’à « régénérer ». Résultat, la France infuse continue à se draper dans un patrimoine dévoyé, dont une part considérable de pseudos cuisiniers, maniérés comme des cocottes, serait bien en peine d’ailleurs d’exécuter ne serait ce qu’un dixième du répertoire cher à Fernand Point.

Il en va de même, on s’en doute, de nombre de médecins libéraux dont une proportion sidérante a depuis longtemps fait tomber le masque : entre l’obsession (fiscale) de ne surtout pas travailler plus de quatre jours par semaine et leur constant refus de « prendre » (!) de nouveaux « clients » (!), cette cohorte distinguée et pomponnée a fait litière de l’idée même de vocation. Ce détachement est parvenu à un degré tel de désinvolture que ces chers rupins ont exécuté sans moufter les instructions administratives (!) descendues du pouvoir politico sanitaire, et de ne pas soigner, et de fourguer du paracétamol par charrettes entières, et de conduire le troupeau à la piqure expérimentale sans le moindre état d’âme.

Or ce sont ceux-là même qui réclament aujourd’hui le doublement du prix de la consultation (!), arcboutés pour la circonstance sur la prétendue pénibilité, et la pénibilité de quoi ? De tout pardi : des patients, des journées, du travail, et même de leurs études, exhumées de leurs cursus pour être brandies avec un tel artifice de communication rétroactive que même leur sérieux en devient douteux …

Heureusement, de la même façon qu’il existe encore un petit nombre de cuisiniers capables de monter une sauce Mornay, tous les médecins fort heureusement ne le sont pas (mort-nés).

Car oui, il existe encore des toubibs, des vrais, de ceux qui savent que la complexité de l’être humain demande aussi un peu de nuance, un peu d’écoute, un peu de soin. Pour ceux-là, la médecine est autant une passion qu’un inépuisable mode de vivre avec les autres.

Témoin, le Docteur Serge POUPARD, auteur d’un très remarquable billet d’humeur que nous reproduisons ci-dessous : Merci Docteur de votre franchise, de votre netteté, de votre engagement !

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Lettre d’un médecin généraliste à la retraite sur la grève des généralistes

“La Peyratte le 1er décembre 2022

“Un peu de décence chères consœurs et cher confrères grévistes.

“Vous faites grève pour la revalorisation de votre travail… mais ce qui apparaît le plus au grand jour, c’est cette demande d’augmentation conséquente des actes médicaux et en particulier de faire passer la consultation de 25 à 50 euros… rien que cela !

“Sur France 2, une collègue généraliste est interviewée et dit à peu près en ces termes «je travaille 55 h par semaine, je gagne 7000 euros par mois et sans cette revalorisation je ne peux me permettre d’embaucher du personnel. Et puis j’ai fait de longues études… ». Voilà pourquoi semble-t-il cette collègue fait grève !

J’aurai mieux compris que vous fassiez grève pour l’accès aux soins des patients ; pour que soit formé encore plus de médecins en particuliers généralistes afin de faciliter cet accès aux soins et de soulager le travail et la durée de travail de chaque médecin et collaborateurs; que vous acceptiez une réflexion et un travail constructif pour permettre l’installation de médecins dans les zones à faible densité médicale, quitte à enfin accepter comme d’autres le font (au Canada par exemple) une obligation d’installation dans ces zones pendant quelques années…

“Après tout, la médecine n’est pas seulement « libérale » mais les médecins sont plutôt des « pseudo salariés à géométrie de gain variable » de la sécurité sociale ce qui leur confèrent des droits mais aussi des devoirs et exercer dans des zones à faible densité médicale pourrait en être un.

“Je vais juste remettre des choses en place de mon point de vue. Je suis un médecin retraité depuis un peu moins d’un an et ai arrêté mon activité à 67 ans ½ de mon plein gré. J’ai exercé en milieu semi rural pendant 38 ans dans un cabinet de groupe devenu peu avant que j’arrête une maison pluridisciplinaire de santé ; je travaillais en même temps dans un cadre salarié auprès de personnes en situation de handicap. Ce n’est que dans les 10 dernières années d’exercice comme médecin que j’ai perçu en moyenne un salaire de 5500 euros nets ce que j’ai trouvé très correct même si je travaillais aussi largement 55 h par semaine !

J’ai pu faire des études de médecine longues il est vrai mais je considère cela comme plutôt une chance que comme un « handicap » qui m’autoriserait au nom de cette longueur d’études à exiger un salaire particulièrement élevé. Ces études, longues certes, sont tout de même d’abord un peu rémunérées dès la 3eme année ; il y a une trentaine d’années c’était très modeste et cela l’est probablement encore. Dès la fin de 6eme année et en tant qu’interne nous percevions un salaire que j’estimais correct et cela jusqu’à la fin des études qui ont aussi durée 10 ans pour moi ayant fait, par choix, un internat sur 4 ans ; la situation des jeunes internes d’aujourd’hui est similaire.

“Je me suis installé comme médecin généraliste dans un groupe en 1983 et ai dû « acheter une clientèle » et prendre des parts dans une SCI gérée par les 4 médecins du cabinet… ce que n’ont plus besoin de faire la plupart des jeunes collègues qui s’installent aujourd’hui et qui bénéficient même parfois d’aides à l’installation. Aujourd’hui à la retraite je perçois 4000 euros.

“Je rappellerai pour mémoire qu’un médecin qui travaille, disons 5 jours par semaine et 8 h par jour (ce qui est actuellement un minimum pour une personne à « temps plein »), et voyant en consultation 25 patients par jour à 25 euros par consultation se retrouve en fin de mois avec un peu plus de 12500 euros, ce qui correspond frais divers déduits à un salaire net moyen minimal de plus de 5000 euros par mois, calculé sur une année et en comptant 5 semaines de congés… sans ajouter les avantages acquis ces dernières années (forfait annuel médecin traitant*, actes spécifiques majorés pour les enfants, les personnes en affection de longue durée, les consultations dites de synthèse majorées elles aussi …) qui augmentent assez nettement ce chiffre de base mensuel.**

Alors vous faites donc grève pour gagner au bas mot deux fois plus par mois soit 10000 euros nets par mois (au minimum) !

Rien ou si peu dans vos revendications et motifs de grève pour l’amélioration du service rendu à la population et de meilleures conditions de travail pour vous et vos collaborateurs.

“Pas de honte non plus, alors que beaucoup de personnes en France (et je ne parle pas d’ailleurs) ont du mal à se nourrir, se vêtir, se loger, se chauffer…se soigner…tant ils n’ont pas ou si peu d’argent.

“Mais non vous avez fait de longues études et l’on vous doit bien cela !

“Je ne me reconnais pas dans cette médecine et ces médecins grévistes.

“Je ne vous soutiens pas et je n’ose même pas dire ce que cela m’inspire

“Dr Serge Poupard Médecin généraliste retraité”


“* Le forfait patientèle médecin traitant annuel : Exemple pour une patientèle de 100 patients : 2000 euros par an qui viennent en
complément. La patientèle moyenne médecin traitant déclaré se situe autour de 1000 patients… Sources Assurance maladie –Ameli. Fr

“** “Les médecins libéraux gagnent en moyenne 120 000 euros par an, 90 000 euros pour les généralistes. Cela les place parmi les professions les plus rentables ; ils gagnent plus que 98% de la population. S’il y a des salaires à augmenter, ce ne sont pas ceux des médecins en priorité !” Sources étude de la Drees
:https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications-communique-de- presse/études-et-résultats/revenu-des-médecins-libéraux”

https://blogs.mediapart.fr/poupardserge/blog/081222/lettre-dun-medecin-generaliste-la-retraite-sur-la-greve-des-generalistes