Le témoignage du Professeur Philippe Parola

Les éléments qui suivent sont la transcription minutieuse (merci à notre équipe !) de propos essentiels tenus le 10 août 2021, par le Professeur Philippe Parola, Chef de service des maladies infectieuses auprès de l’IHU de Marseille, dans le cadre d’une vidéo en tous points remarquables.

Note : les propos du Pr Philippe Parola sont suivis par ceux du Pr Bernard La Scola dont nous reprendrons les éléments saillants dans une communication prochaine.

Communication à consulter sur :

https://basta-covid.fr/les-etudes-du-professeur-bernard-la-scola/

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Point sur la situation épidémiologique et sur la gravité du variant delta ?

Merci. Comme vous le savez je m’exprime ici comme universitaire, c’est une liberté de parole qui est garantie par la loi et je suis très heureux que, au moins en ce qui me concerne, cela ait été confirmé par le conseil de l’ordre dans nos différentes communications scientifiques sur ce que nous observons, sur les données, et non pas nos opinions.

Alors concernant la situation : ce que nous avons observé à l’IHU c’est effectivement, vous le savez, un virus variant Delta qui circule, qui a beaucoup circulé. Nous verrons si nous avons atteint un pic dans les prochains jours mais parallèlement : un ratio entre la quantité de patients diagnostiqués à l’IHU et ceux qui sont hospitalisés qui est plutôt plus faible que ce que nous avions connu dans la situation du variant dit anglais, du variant Marseille que nous avions décrit ou même de la première épidémie.
Donc est-ce que ce variant est moins sévère… c’est un ressenti … je parle moins du ressenti, mais le soin que nous prodiguons aux patients aboutit pour l’instant à un nombre inférieur de décès par rapport à ce que nous avions connu même s’il était relativement faible ici.


Alors pourquoi ? toutes les hypothèses peuvent être discutées : est-ce à cause ou grâce plutôt au vaccin, est-ce ce que c’est tout simplement une souche qui est moins virulente, est-ce qu’il y a déjà une immunité dans la population, pas que grâce au vaccin mais également grâce aux infections passées, ou bien est-ce qu’on a un meilleur accès aux soins. Vous vous souvenez qu’un des drames de la première épidémie a été de dire aux gens de rester chez eux jusqu’à avoir des difficultés respiratoires. Ce n’est heureusement plus le cas et nous avions montré que l’accès aux soins précoces était dans nos cohortes, dans la vraie vie, dans ce que nous avons observé, un facteur d’évolution moins sévère. Nous verrons dans les prochains jours si tout cela est confirmé.


Question : stratégie vaccinale ?

La stratégie vaccinale c’est une question politique. Nous nous ne faisons pas de politique, nous pouvons produire des données, nous ne commentons pas les décisions de santé publique, nous les appliquons.
Concernant la vaccination et sa protection vis-à-vis du variant delta quelles sont les données de la littérature ?

Il y a des données publiées et non publiées … ce qui vient de sortir aux États-Unis récemment, ce qui est une grande synthèse des données publiées et non publiées … serait une protection vaccinale vis-à-vis du variant delta et de ses formes modérées entre 40 et 90%. Voyez que le panel est large donc avant d’avoir des chiffres précis il faudra du temps.

Mais la question la plus importante peut-être pour les médecins, pour les soignants et pour la population, et c’est celle qui est posée : est-ce que la vaccination et les vaccins que nous connaissons actuellement protègent des formes sévères, c’est-à-dire protègent de l’hospitalisation et protègent d’aller en réanimation. Cela est une question qui est largement débattue avec beaucoup de gens qui donnent leur opinion.

Il y a trois façons de répondre :

Soit vous faites une photo de ce qui existe : vous pouvez dire il y a moins de 5% des patients hospitalisés en réanimation qui sont complètement vaccinés. Vous pouvez dire que 10 à 15% des patients hospitalisés en unités conventionnelles étaient vaccinés complètement et donc le reste ne l’était pas. Là, vous faites une photo mais vous ne pouvez pas forcément en déduire un effet protecteur de la vaccination sur les formes sévères puisque vous n’avez pas les populations en amont.


Donc comment répondre à la question ? Donc c’est en général des cohortes : vous avez une population de patients positifs, vous avez les vaccinés, vous avez les non vaccinés et vous regardez ce qui leur arrive. Est-ce qu’ils sont hospitalisés, est-ce qu’ils vont en réanimation ? Les données de l’IHU, Didier Raoult les a rapportées la semaine dernière : pour l’instant nous ne pouvons pas conclure c’est-à-dire que sur notre grand panel de patients qui viennent se faire tester tous les jours, parmi les positifs vaccinés, les positifs non vaccinés, nous n’avons pas vu pour l’instant de différence entre l’évolution vers la sévérité : est-ce que les vaccinés ou les non vaccinés … vont plus ou moins en hospitalisation, plus ou moins en réanimation. C’est aujourd’hui, nous verrons par la suite.

Deuxième possibilité : les cohortes nationales : je n’en ai pas connaissance donc je ne peux pas les commenter.

Troisième possibilité : c’est la vie réelle c’est-à-dire ce qui se passe dans les grandes populations qui sont très vaccinées comme Israël. Il faut être attentif à ce qui se passe là-bas. J’invite bien entendu mes collègues à suivre et les autorités bien sûr à suivre ce qui se passe là-bas où la population est très vaccinée, à suivre les patients qui sont hospitalisés actuellement en Israël, ceux qui sont en réanimation et ça, ça nous permettra d’avoir des données mais encore une fois pour l’instant nous ne pouvons donner que ce que nous observons ici mais encore une fois la situation en Israël mérite d’être observée.

Enfin pour clore un débat, mais qui ne sera jamais clos, il ne s’agit pas d’être pour ou contre la vaccination. C’est une question qui n’a pas de sens. La vaccination c’est pour qui, quand et pour quel bénéfice/risque. Nous avons toujours dit moi et mes collègues que bien entendu les populations à risques qui sont bien définies, les sujets âgés, les obésités morbides, les patients fragiles, enfin toutes les catégories qui sont bien connues comme étant à risques de faire des formes sévères ont un bénéfice / risque en faveur du bénéfice de la vaccination. C’est très clair et bien sûr nous le recommandons sans aucune hésitation. Encore une fois, j’ai fait un lapsus, … mais qui me permet de corriger, encore une fois je ne fais pas de recommandation mais j’ai un support scientifique pour dire oui effectivement elles ont un bénéfice à être vaccinées.

Est-ce que j’ai des arguments, moi, pour dire il faut vacciner tout le monde parce que ça a un intérêt en santé publique ? Alors ça aurait un intérêt si le fait d’être vacciné empêche d’être porteur et contagieux. C’est-à-dire est-ce que quelqu’un qui n’est pas malade, notamment la population des asymptomatiques vaccinés peut porter le virus, peut être contagieux. À cette question nous avons regardé avec le Professeur Bernard La Scola sur une grande série, il vous en présentera le détail juste après moi et vous verrez que des patients vaccinés peuvent être porteurs et peuvent être contagieux.

Les conséquences de tout cela, qui correspondent d’ailleurs à ce qui a été dit par les autorités américaines … alors je me méfie de rapporter ce qui a été dit par telle et telle autorité, je n’en connais pas la source mais c’est ce qui a été dit à peu près aux États-Unis, c’est-à-dire qu’on peut être vacciné porteur et contagieux.
Là aussi les conséquences dans les décisions politiques ne m’appartiennent pas mais je pense qu’il faut expliquer aux gens qui ont accès à une connaissance ou ont accès à des fake news, donc autant dire les faits, voilà les faits.

La conséquence de ça c’est que le vaccin nous sommes tous d’accord pour dire que c’est une arme importante dans la lutte contre cette épidémie, cette nouvelle épidémie, contre ses conséquences bien entendu mais ce n’est pas l’arme absolue et malheureusement et ça je le regrette, le tout vaccin arme absolue est en train d’éluder encore l’élément essentiel, qui nous est apparu essentiel et qui était un résultat de nos observations c’est l’accès aux soins précoces.

Donc le fait d’être vacciné, attention c’est notre expérience, ne doit pas empêcher d’aller se faire tester et d’avoir un accès aux soins rapides parce que l’accès aux soins tardifs, ça nous le savons avec nos données, est lui réellement un facteur de gravité. Ensuite la communication, les décisions politiques ne nous appartiennent, pas voici les faits.


Martinique ? Confinement ?

Alors je ne me permettrai pas de commenter en détail la situation épidémiologique en Martinique, mes collègues le feront mieux que moi. J’ai bien compris que comme dans le pays d’ailleurs à une époque, comme en métropole, les structures sanitaires peuvent être dépassées. C’est une question là aussi qui aura peut-être dans l’avenir une réponse politique.

Concernant le confinement est-ce que j’ai des arguments scientifiques qui permettent de dire que le confinement permet de protéger la population de la mortalité ?

La réponse c’est non, je n’en ai pas, il n’y a aucune publication qui va dans ce sens, il n’y a aucune donnée de la littérature qui va dans ce sens. Vous avez des opinions, vous avez des décisions politiques, nous en avions déjà parlé, le Professeur Ioannidis avait fait une conférence ici à l’IHU pour montrer qu’aux États-Unis confiner n’avait pas atteint l’objectif.

Si la cible est de dire on confine pour avoir moins de morts, moins d’hospitalisations, la cible n’est pas atteinte, donc non il n’y a pas d’arguments, il y a même parfois des effets inverses, et ça peut se comprendre, c’est-à-dire vous allez confiner des personnes il ne faut pas croire que le confinement est total … les personnels de santé, les policiers, les zones alimentaires travaillent et donc la circulation continue. Donc sur les objectifs non je n’ai pas d’arguments.

Là aussi c’est une décision politique qui pourra être assumée par ceux qui la prennent. Je n’ai pas à dire c’est bien, c’est pas bien, mais en tant qu’universitaire vous me demandez est-de que j’ai des arguments pour dire cela permettra qu’il y ait moins de décès liés à cette épidémie . La réponse Je n’en ai pas.

https://m.youtube.com/watch?v=sCqqbP6Oe_Q&feature=youtu.be