On ignore qui de Big Pharma ou des politicards locaux aura susurré au Conseil Fédéral Suisse la trouvaille (assez piteuse on le répète) qui consistera donc à (tenter de) récompenser par un beau billet de 50 francs le « travail de persuasion » (sic !) de l’helvète qui aura mené l’un de ses concitoyens à la seringue.
Mais cette démarche est instructive en ce qu’elle montre deux évidences, que les citoyens suisses auront quant-à eux, immédiatement saisi :
– l’évidence d’abord que la contrainte du « certificat covid », équivalent de notre pass sanitaire, ne marche pas : passée une dizaine de jours, le soufflé retombe déjà. La menace n’a servi qu’à accélérer le processus pour ceux qui étaient déjà prêts à passer à la moulinette. Mais les fortes têtes, ou tout simplement les citoyens réfléchis, nombreux dans ce pays qui a les pieds sur terre, résistent plutôt bien.
– l’évidence ensuite que l’exécutif suisse est (déjà) au bout du rouleau. En clair, dans ce pays éminemment démocratique et collégial, les crises de nerf ne vont pas bien loin et les mesures coercitives arbitraires possibles sont autant incongrues que limitées (d’où l’idée géniale des 50 francs ….).
Démonstration préalable que la mise en place de mesures autoritaires est bel et bien freinée par un système démocratique fort. On le savait nous direz-vous. Oui mais reconnaissons qu’il est toujours bon de partir d’une étude observationnelle (qui au passage nous évite par ailleurs les modélisations déterministes corsetées de l’Institut Pasteur).
De ce fait la recette d’une bonne dictature (sanitaire mais pas que …) s’impose d’elle-même :
Pour un nombre indéterminé de convives, comptez :
1. A la direction des opérations : une petite équipe toute puissante de préférence largement schizophrène (pouvant donc sans ciller dire tout et en faire l’exact contraire) et si possible un peu paranoïaque (permettant donc d’accuser de complot toute idée divergente), le cumul de ces deux qualifications étant un atout pour les postes à pourvoir.
2. Au plan intermédiaire : une équipe plus large mais d’envergure raisonnable tout de même (comptez environ 1 pour dix mille de la population, la visibilité passant largement avant le nombre), dont tous les membres doivent être prêts à tout pour plaire à la direction ci-dessus, quitte à se prosterner à outrance dans l’espoir d’une gratification, sinon même d’un simple regard du Roy. Outre la dévotion ostentatoire à manifester en permanence, l’essentiel est de pouvoir défendre mordicus à peu près n’importe quoi sans jamais réfléchir, et cela va sans dire, sans le moindre souci de cohérence quelconque.
3. Au plan général : une population sans illusion démocratique ni espoir populaire, prête à gober n’importe quel discours pourvu qu’il finisse par s’arrêter, qu’on n’en parle plus et que tout rentre dans l’ordre (n’importe lequel d’ailleurs, y compris une oppression caractérisée). Le manque de perspective populaire idéal est le point dit de « zemmourisation », qui aboutit à espérer n’importe quoi de n’importe qui, avec ou sans moustache sous le nez.
L’application de cette formule à la France (ou à l‘Italie) et à la Suisse donne une petite idée du problème.
1. Direction :
En France : l’exécutif fait absolument tout ce qu’il veut sans aucun recours quelconque. Les fameux « contrepouvoirs » (nom traditionnellement donné en France à un pouvoir imaginaire ou par bonheur durablement fantoche) sont hors sujet, inexistants, vendus, ou neutralisés. La capacité sans limite du / des dirigeant(s) à décider et faire exécuter est telle qu’elle rendrait capable d’erreurs grossières et d‘abus patentés jusqu’au plus estimable. Dans un contexte pareil un président qui se sentirait même vaguement autoritaire serait capable d’imposer sans le moindre tremblement l’injection forcée à sa population.
En Italie même scénario : étant précisé que les excès de l’exécutif trouvent leur source et leur solidité dans la terreur de l’instabilité, qui aboutit à finir par légitimer sans problème le premier guignol venu, du moment que son théâtre vient à point. Et tout ceci avec par surcroît la considération vaguement macho qui donne à toute brutalité « décontract » un petit air de patriotisme rieur (mais botté).
En Suisse : grosse déception, l’exécutif se résume à une équipe à peu près raisonnable qui passe son temps à consulter et à rendre des comptes à tout le monde, à commencer par la population qui veut bien que ses dirigeants dirigent mais pas n’importe comment. Peu d’ouverture donc pour une crise de nombrilisme, même jupitérien, qui agacerait autant qu’elle rendrait ridicule son auteur complètement décalé dans une démocratie très réelle.
2. Transmission :
En France : mettre en musique les pires abus est d’une facilité déconcertante. Au-delà même de la loi qu’il pond et couve seul, l’exécutif reste maitre de sa mise en œuvre (ou pas ou un peu) puisqu’édictant à son gré les décrets d’application. Le système est à ce point permissif que certains gouvernements préparent des lois qu’ils n’appliquent ensuite qu’avec le décalage juste suffisant pour mettre le pays devant le fait accompli de la loi suivante. Du grand art puisque dans le même temps les équipes de soutien ne tarissent pas d’éloge devant la magnificence du souverain et sur son infinie vision du monde qui vient, et d’ailleurs inutile de protester c’est déjà fait.
En Italie : même topo, étant précisé que les régions disposent d’une autonomie assez réelle, qu’il faut donc bien veiller à ménager comme le lait sur le feu. Les présidents de régions s’avèrent tous redoutablement irascibles, mais finalement onctueux comme la romaine dès l’instant où leur pré carré est sauvegardé par une capitale qui sait flatter comme il convient ces adorables roitelets, du coup volontiers relais des décisions nationales.
En Suisse : nouvelle déception, non seulement il y a (toutes proportions gardées) peu d’abus et d’idioties à relayer mais par surcroit les relais sont minces. Bien plus qu’un État fédéral composé de cantons, la Suisse est restée une véritable association de peuples, chacun respectueux du voisin mais attentif à sa propre situation. Et donc quand Berne a l’idée de mesures autoritaires, le chemin est long pour en voir le début de l’éventuelle application, qui par ailleurs ne signifie jamais la fin du débat. Enfin pour ne rien arranger, les élus travaillent finalement de façon assez assidue, ce qui les rend aussi peu manipulables qu’amusants, ainsi que le savent tous les romands qui pour se détendre se poêlent en revanche de rire devant les débats totalement débiles de nos campagnes électorales françaises.
3. Population :
En Suisse : il est bien évident que des citoyens élevés au consensus et à la discussion sont à la fois capables de réflexion, de remise en cause de certains présupposés gratuits et de refus des mesures idiotes. Voilà qui ne veut pas dire que des abus sont impossibles. Non, mais les abus sont en règle générale moins nombreux, moins subits, moins excessifs, moins longs, plus réfléchis, plus discutés, plus négociés, plus réversibles, et enfin susceptibles selon les cas de recours en justice et/ou devant le corps électoral. Un sacré coup de canif donc à tout autoritarisme véritable.
En Italie : quoique l’exécutif puisse imposer comme en France, les mêmes âneries sans trop de recours, beaucoup de chose sont (à tort ou à raison, là n’est pas la question) pour la population noyées ou atténuées dans une qualité de vie quotidienne faite de superficialité et de bonne chère. La vie est difficile (beaucoup plus qu’en France) mais on mange tellement bien, et la vie sociale est si réelle, que beaucoup de choses passent au second plan. Les opposants à la dictature sanitaire sont aussi révoltés et décidés qu’en France, mais pour la majorité de la population un certain fatalisme rend la vie quotidienne acceptable (encore une fois à tort ou à raison, là n’est pas la question). Et du fatalisme à une certaine philosophie de la vie il n’y a qu’un pas, souvent de la largeur d’une bonne table d’ailleurs.
Reste la France : notre douce France, que quelques petits marquis élevés au Mac Do ont largement contribué à étouffer et saigner, transformant ce qui était une nation en un ersatz de société financière et une population heureuse en une troupe tellement sans cesse craintive du lendemain qu’elle en est devenue une proie bien commode pour quelques coupe-jarrets internationaux (ou pas) avides et sans scrupule.
Il n’est que d’observer le débat (inexistant) autour des mesures (dites) anti-covid, l’acceptation par toutes les composantes du jeu de l’oie politique (ne parlons plus d’échiquier) des mesures coercitives pourtant dépourvues du moindre rapport avec la réalité, ou encore la campagne électorale qui se résume déjà à une surenchère autour de la seule et unique question de la supposée et sempiternelle immigration.
A force de malveillances multiples, la France est devenue fragile. Du ministère sarkozyste de l’immigration à l’idée même que la presse puisse en venir à tester les relents rancuniers de l’innommable zemmourisme. Du clivage volontaire entre français selon qu’ils sont vaccinés ou non, chômeurs ou non, basanés ou non, bénéficiaires ou non de privilèges, à la destruction de l’essentiel de notre économie, notre société est bâtie sur une architecture de cicatrices non refermées et de ressentiments.
Qui tirera le mieux sur la corde de la haine recuite ? Dans une démocratie saine, un peuple heureux ne donnerait pas trois pour cent à ces vanupieds, ni aux walkyries, ni aux financiers, ni aux rats. On ne peut pas vivre de haine, ni individuellement, ni collectivement. Que les français le (re)découvrent et c’en serait fini de ces gnomes mortifères.
Mais pour l’heure, ce peuple qui fut généreux, inventif, ouvert, est devenu fragile, très fragile, prêt à accepter une dictature, une vraie, une de celles dont on met trente ans à se remettre.
Donc, le moment serait plutôt venu de cesser de jouer avec le feu et, pour ceux qui veulent, de mettre un cierge à Saint Georges …(La légende de Saint Georges et le Dragon décrivant un saint qui apprivoise et tue un dragon qui réclame des sacrifices humains).
Voilà, voilà